théâtre : Le Père

Publié le par bulledelumiere

 

On ne peut pas dire que je brille par ma fréquence de publication... Y aurait-il dans ma vie quelques bulles de chagrin qui occulteraient mes petites bulles de lumière ? La question reste ouverte, juste posée là comme un constat. 

 

Je reviens à cause d'une affiche vue dans le métro, celle de la pièce de théâtre, Le Père, qui joue les prolongations. Ce qui m'a rappelé que j'avais écrit un papier en février, juste après l'avoir vue, et que je ne l'ai jamais publié... Vieux motard que jamais, alors voilou. 

 

Image-1-copie-1.png

 

Pièce de théâtre le père

 

Une petite bulle de lumière ne ressemble pas uniquement à un moment de joie, de légèreté, de fugacité enchanteresse. Une petite bulle de lumière peut être  - est forcément - un moment intense en émotions.

La pièce de théâtre le Père, que nous avons vue mercredi, peut s'inscrire au ciel de mes petites bulles bienfaisantes qui virevoltent en permanence au dessus de ma tête comme autant de merveilles à l’aune de ma modeste existence.

Et pourtant, Le Père, c'est l'histoire dramatique d'un vieil homme atteint de la maladie d'Alzheimer (ou de sénilité). Histoire peu excitante si ce n’était la narration qui nous en est donnée. Car le plus terrible, c'est que l’auteur, à notre insu, nous place… à sa place. Comme lui, nous sommes baladés dans le temps et les souvenirs qui s'effacent ou s’évertuent à se muer. Comme lui, nous voyons le (très beau) décor changer. Et même les deux personnages masculins intriguent, effraient, tant ils apparaissent subitement, s’effacent tout aussi soudainement et se ressemblent. Mais pour savourer cette pièce, il était meilleur encore de n'en pas connaître le sujet et de plonger comme lui. Lui, c'est le merveilleux comédien de 88 ans Robert Hirsch. Saisissant de vérité, tour à tour émouvant, agaçant. La pièce vaut par son unique présence. Ses expressions, ses regards, ses gestes, ses silences, tout est juste, fort.

Si l'on a donc la chance de voir cette pièce sans rien savoir de ce qui se tramera derrière le rideau, on s'installera guilleret à l'idée d’un moment de détente. Elle est plutôt drôle habituellement Isabelle Gélinas dans la série Fait pas ci, fait pas ça. On commencera même à sourire de cet homme obsédé par sa montre en pensant à ce gentillet conflit, sans conséquence, de génération entre un père et sa fille. Mais le rire, de courte durée, cède vite la place à un état déroutant – celui que vivent les malades, les personnages âgées ? -  d'étonnement, de questionnement : Mais où suis-je ? Que disent-ils ? Que se passe-t-il ? Je ne suis pas dans une pièce comique ? On ira même jusqu'à voir des scènes se répéter, empêtrant nos repères. Pour, peu à peu, plonger nous aussi dans la détresse, le malaise, la peur. Les dernières scènes, poignantes, prennent à la gorge, nous emportent, nous engloutissent vers l’inconnu, nous ne craignons pas pour ce vieil homme, nous craignons pour nous-mêmes. On entraperçoit la détresse, on a aussi envie de crier, de sortir de cet enfer que l’on sait sans fin. Parfaitement construite, et fine derrière le propos ordinaire, laisse entrevoir ce qui se trame au plus profond de l’âme atteinte, la misère, le puits sans fond qui déconnecte du temps, du lieu, des autres. Alors oui, j'ai adoré cette pièce de Florent Zeller, ce morceau d'émotion à l'état brut qui n'invite pas a réfléchir sur la maladie, mais force à la vivre, le temps d'un non divertissement. C'est peu – tant mieux - mais juste assez, pour prier que nos proches soient épargnés et que nous leur épargnerons nous aussi cette peine.

 

 

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article